Presse : plus c’est long, plus c’est bon !

Presse : plus c’est long, plus c’est bon !

Les temps sont rudes pour la presse française. L’essor du numérique, les notifications incessantes, le coût du papier, la diminution des recettes publicitaires, le problème de la distribution… de quoi déprimer ? Bien sûr que non !   Pour ma part passionnée par la presse écrite dont je suis incapable de me passer (20 ans dans des groupes de presse ça marque !), et alors que je lis les infos sur le web au quotidien, je reste convaincue que la presse française est loin d’avoir rendu sa dernière copie.   Certes, quand on égrène les derniers résultats de l’ACPM*, la presse française n’est pas en grande forme : les news pour ne parler d’eux sont en difficulté, L’Obs enregistre un recul de 16,83%, l’Express de 14,4% et Le Point limite la casse avec -2,22%)**…   Si les groupes Le Monde et Le Figaro, s’en sortent, c’est bien sûr grâce à leur stratégie sur le numérique, mais aussi grâce à leurs suppléments week-end. Leur bonne santé est réelle (+10,06%), Madame Figaro (+2,02%), et le Figaro Magazine (+1,93%)***.   Et comment  ne pas citer aussi XXI, 6 mois, le 1, America qui connaissent un succès confirmé. Sans oublier le spectaculaire lancement de Zadig, le dernier né de la catégorie. Créé à contre-courant de l’overdose des  « fastnews », le trimestriel Zadig, lancé en mars à 70.000 ex avec sa une, «Réparer la France», porté il est vrai par l’actu des  gilets jaunes et du Grand Débat, a  du être réimprimer à  20.000 exemplaires, au prix facial de 19 euros !  

Comment expliquer ces succès quand d’autres s’embourbent ?

  Je martèle depuis longtemps déjà que c’est d’abord l’offre qui mène le lecteur au kiosque. Les énièmes réformes de l’écosystème n’y changeront rien (même si elles sont nécessaires surtout concernant la distribution). Il est vraiment temps d’arrêter de mettre la crise actuelle de la presse sur le seul dos du numérique, des prix de vente, ou que sais-je…  

Ce qu’il manque à la presse française c’est une véritable adéquation entre une offre qualitative et le temps de lecture quantitatif du lecteur.

  La qualité vient des reportages, des décryptages, des enquêtes, des retours à froid sur des événements. Ce n’est pas un hasard si les formats longs sont plébiscités. Côté news, la tendance a été lancée par la version française de Vanity, suivie ensuite par L’Express et le JDD…pour citer ceux qui me viennent à l’esprit. Je suis persuadée que la tendance va se renforcer dans les années à  venir. La presse écrite doit être perçue comme un complément du web, et non comme une duplication. C’est la base de stratégie payante du New York Times  porté par l’effet Trump.   L’autre point faible de la presse française, corollaire du premier est la pauvreté de l’offre les week-ends et l’été. Aux moments les plus propices à la lecture, les News ont une pagination très réduite avec des couvertures à marronniers insupportables et indigestes. Ce sont pourtant des moments propices pour capter des nouveaux lecteurs et les fidéliser ! c’est la même chose pour les quotidiens du dimanche lorsqu’ Angleterre pour la plupart d’en eux doublent leur pagination !  

La presse française n’est pas morte, mais elle a besoin de revoir sa copie. Il est urgent qu’elle s’adapte à la demande en développant des formats longs : les lecteurs en redemandent !

 

Anne Testuz

*(Alliance pour les chiffres de la presse et des médias) avril 2019 ** (Source : les clés de la presse dimanche 5 mai 2019 ***ACPM