Le faux débat

Le faux débat

Le 18 mars 2019, Léa Salamé annonçait qu’elle quittait provisoirement les antennes de France Inter et de France 2 suite à l’entrée en campagne de son compagnon Raphaël Glucksmann. On a beaucoup glosé sur sa décision : “Madame se retire au profit de la carrière de Monsieur”. Je pense plutôt que si Léa Salamé se retire au profit de quelque chose c’est bien au profit des valeurs du journalisme ! On ne peut pas être juge et partie dans une interview face à son compagnon ou à ses adversaires. Anne Sinclair ou Audrey Pulvar confrontées à la même situation s’étaient retirées provisoirement. Encore une fois c’était l’éthique journalistique qui était préservée, plutôt que les carrières de Dominique Strauss-Khan et de Arnaud Montebourg. Or Audrey Pulvar a elle-même critiqué le départ de Léa Salamé : sur Twitter en écrivant: "En 2019, en France, on continue de reprocher à une femme les opinions politiques de son compagnon. Nous, pauvres petites choses si influençables, incapables de discernement? Cette mise à l’écart de Léa Salamé est injuste et injustifiée." La journaliste a précisé le jour même sa motivation dans un article du Huffington post : "On devrait aussi savoir en 2019 qu'une femme n'a pas le cerveau de son mari, et qu'elle n'a pas à attendre à la maison que son mari fasse carrière. On dira aussi que ça arrive toujours aux femmes -alors certes il y a l'exemple de mon collègue Franck Ballanger, qui s'est aussi retiré et que je salue (journaliste marié à la ministre des Sports Roxana Maracineanu, il ne couvre plus les sports depuis qu'elle a été nommée -, mais dans le journalisme comme ailleurs, pour un homme, combien de femmes?" Ses propos confirment mon point de vue : son cas ne traduit que les bonnes pratiques de sa fonction et honore son éthique professionnelle. N’oublions pas que les couples journaliste/politique sont vraiment une exception française. J’aimerai pouvoir lire que plus d’hommes journalistes feraient de même avec leurs compagnes lorsqu’elles se présentent aux élections, et c’est bien là que le bât blesse… Le problème souligne avant tout la faible représentativité des femmes en politique. Pour parler de guerre des genres encore faudrait-il des contre-exemples et que les hommes compagnons de femmes politiques se maintiennent dans leurs fonctions. Le retrait de Léa Salamé interroge avant tout sur la parité en politique : sur 19 listes aux Européennes, seulement trois sont dirigées par des femmes...

Anne Testuz